Ce mois-ci pour l’interview prof, nous avons demandé à Layth, professeur de violon pour Allegro Musique à Lyon, de répondre à nos questions. Initialement musicien professionnel, Layth s’est finalement tourné vers l’enseignement après plusieurs années d’expérience en tant que violoniste d’orchestre. Découvrez vite le parcours et les réponses de ce musicien talentueux venu de Syrie pour transmettre sa passion pour le violon en France.
A quel âge avez-vous commencé le violon et quel a été l'élément déclencheur ?
Mon désir d’apprendre à jouer d’un instrument vient sans doute du fait que mon père nous permettait de regarder des vidéos d’orchestre. J’ai commencé le violon à l’âge de sept ans avec des cours particuliers, alors que j’étais toujours en Syrie et j’ai continué jusqu’aux études supérieures. Là-bas, c’est un autre monde et il est plus difficile d’apprendre à jouer d’un instrument qu’en France. Je viens d’un petit village en Syrie et il n’y avait qu’un prof de violon, alors c’est comme ça que j’ai débuté : parce que je n’avais pas d’autre possibilité mais à la base, je voulais apprendre le piano. Il n’y avait pas de prof de piano accessible donc je me suis dirigé vers le violon.
Depuis quand êtes-vous professeur chez Allegro Musique et combien d'élèves avez-vous eus ?
Je pense que ça fait une dizaine d’année mais ce n’est pas mon activité principale. A la base, j’étais violoniste professionnel pour orchestre et maintenant je suis professeur de musique en collège en plus de donner des cours particuliers de violon avec Allegro. J’ai dû changer d’activité parce qu’une place en orchestre professionnel est difficile à trouver lorsqu’on n’a pas les contacts qu’il faut, et venant de Syrie je ne les avais pas. De plus, le salaire n’est pas très bon si on ne fait pas partie de grands orchestres et les horaires ne s’accordent pas facilement avec la vie de famille. J’ai donc choisi un emploi plus stable pour être avec ma famille, avec un salaire plus intéressant.
Comment organisez-vous vos cours et comment gardez-vous vos élèves motivés ?
Je m’organise en fonction de chaque élève en ce qui concerne les exercices, mais en général mes cours suivent le même fil conducteur : je commence par écouter l’élève, on répète ensuite ce que l’on a appris sur la séance précédente puis on passe à la suite. Pour les garder motivés, là encore tout dépend de chaque élève. Parfois c’est le prof qui ne convient pas tout simplement ! Il m’est déjà arrivé de demander à Allegro Musique de changer de professeur pour un élève car je ne parvenais pas à le faire progresser et qu’il est important de savoir se remettre en question : la transmission nécessite une alchimie entre le prof et l’élève, il faut créer presque un lien d’amitié pour que l’apprentissage se fasse de façon positive. Quand le problème ne vient pas d’un manque de complicité avec le prof, il faut chercher la raison pour laquelle l’élève est moins motivé. Souvent, il y a une raison à cela : soit c’est par obligation qu’il s’est lancé (ce qui arrive souvent pour les enfants), soit c’est parce qu’il ne voit plus ses objectifs à long terme. Il faut donc bien connaitre les objectifs de ses élèves pour les garder confiants et motivés. Aimer le violon, c’est quelque chose qui peut s’apprendre avec le temps et se créer avec le professeur, mais il faut un objectif précis pour les adultes et il sera plus simple de faire aimer le violon à un enfant qui ne connait pas qu’à un adulte qui n’aime pas déjà un peu.
Quelles sont, selon vous, les qualités indispensables d'un bon prof de violon ?
Il y a de nombreuses qualités qui sont nécessaires pour être un bon prof de musique mais je pense que la base c’est d’être passionné par la musique et l’instrument que l’on enseigne, pour savoir transmettre. Il faut également aimer transmettre sa passion et savoir le faire en s’adaptant à chaque élève. Le reste, ça peut venir avec l’expérience. Dans les faits si on sait jouer du violon, on peut être prof mais il faut avoir l’envie de transmettre et les compétences pour le faire, sinon l’élève finira par lâcher.
Quel serait votre premier conseil pour un violoniste débutant ou débutante ?
Tout dépend des attentes de chaque élève, mais je pense que le principal pour progresser, c’est de s’entrainer régulièrement. Sur une petite durée mais tous les jours. Je dirai 5 à 10 minutes par jour pour un débutant ou débutante, pas plus. Quand on débute, le violon est difficile, le son est insupportable. On peut difficilement s’entrainer plus longtemps sans que cela devienne une corvée et il est donc mieux de faire des petits entrainements quotidiens que de grosses sessions d’entrainement qui risquent de dégouter les élèves du violon.
Quelles sont les premières difficultés que l'on rencontre lorsque l'on débute le violon et comment les surmonter ?
Je pense que le plus difficile est de produire un joli son et d’avoir une bonne posture avec la main droite. Pour garder les élèves motivés, les techniques diffèrent surtout en fonction de l’âge de l’élève. Pour les enfants, par exemple, il faut que ça reste des entrainements courts et il faut bien cadrer les choses et que les parents contrôlent les horaires d’entrainements. Je conseille souvent aux parents de ne pas laisser l’instrument à disposition de l’enfant en dehors des entrainements parce que sinon ils l’associent à un jeu et finissent par s’en lasser assez vite et finit par laisser tomber. Il faut que le prof soit capable de faire un cours amusant et léger pour garder l’attention des petits. Lorsqu’on enseigne à des adolescents c’est différent, je pense qu’il faut commencer par les impressionner en leur montrant ce qu’ils pourront faire une fois l’apprentissage terminé. C’est pareil pour les adultes, il faut leur montrer ce qu’ils rêvent de faire pour les garder motivés.
A qui préférez-vous enseigner, aux enfants ou aux adultes ?
Ma préférence va aux adultes parce que c’est plus facile de leur enseigner, il y a un cadre, cela coûte moins d’énergie que d’enseigner aux petits avec qui il faut tenir compte de la capacité de concentration limitée. Enseigner aux petits c’est un peu faire plusieurs métiers à la fois : garde d’enfant, prof de musique. Avec les adultes, ce sera plus facile parce que tout est clair et plus rapide. Mais il faut que l’élève soit motivé et consciencieux.
Quel est votre meilleur souvenir en lien avec la musique ?
J’ai beaucoup de bons souvenirs avec la musique mais s’il fallait en choisir un, je pense que ce serait quand j’ai eu l’occasion de jouer avec l’orchestre philarmonique de Berlin. De façon générale, j’ai beaucoup aimé les concerts que j’ai donné en Europe avec différents orchestres. Mais l’orchestre philarmonique de Berlin est un des meilleurs au monde, c’est le rêve de tout instrumentiste d’y participer.
Pensez-vous qu'il est possible d'apprendre le violon à tout âge ?
Oui, à n’importe quel âge ! Si on entend que c’est plus facile pour les enfants, c’est surtout parce que les enfants ont un fonctionnement différent. Ils ont des capacités d’apprentissage supérieures aux adultes parce qu’ils vont apprendre les mouvements comme s’il s’agissait de marcher ou d’écrire. Ils sont davantage appliqués aussi en termes d’entrainement. En revanche, ils sont plus lents que les adultes mais le fait qu’ils s’entrainent plus régulièrement et suivent les instructions à la lettre leur permet de progresser plus facilement. Ce n’est pas forcément une question d’âge mais plutôt de motivation et de respect des consignes.
Les adultes ont tendance à penser qu’une fois qu’ils ont réussi un exercice, ils peuvent passer au suivant. Alors que l’apprentissage du violon est basé sur la répétition des exercices. Les adultes ont besoin de comprendre, vont demander pourquoi, et il leur faut une motivation particulière pour rester motivés. Les enfants ne se posent pas les mêmes questions, ils reproduisent simplement ce qu’on leur dit, donc la conscience des adultes peut à la fois être leur point fort et leur point faible. J’ai en ce moment un élève adulte qui pour moi est l’exemple typique de l’élève parfait : il a réalisé des progrès incroyables sur une petite durée puisqu’après seulement 4 mois et demi, il a obtenu les résultats que les autres adultes obtiennent normalement en plus d’un an d’apprentissage. Pourquoi ? Parce qu’il suit consciencieusement les consignes, s’entraine autant qu’on lui dit, écoute les conseils comme un enfant et donc obtient les résultats escomptés. Il est toujours plein de questionnements, certes et et je sais qu’il me faut prévoir au moins vingt minutes pour répondre à toutes ses questions en fin de cours. Mais le fait qu’il s’intéresse beaucoup, tout en suivant parfaitement les conseils fait de lui un élève exemplaire, selon moi.
Avez-vous des projets musicaux à venir ?
En ce moment, j’ai plusieurs projets en tête. J’ai déjà un groupe nommé Lezel avec lequel je fais de la musique. Le projet est basé sur l’improvisation mais avec l’objectif final d’une musique écrite à produire. Nous interprétons surtout de la musique du monde et faisons des concerts de temps en temps déjà. J’aimerais trouver un violoniste pour refaire un quatuor mais c’est difficile de trouver des musiciens professionnels qui ne demandent pas à être rémunérés pour les entrainements car lorsque l’on fait partie d’un orchestre professionnel, les entrainements sont payés. J’aimerais beaucoup également qu’il soit possible de réaliser des évènements avec Allegro Musique, dans chaque ville avec les différents élèves et professeurs du secteur. Je pense que ce serait une bonne chose pour motiver les élèves car l’apprentissage et la passion de la musique passent nécessairement par la représentation devant un public et le partage avec d’autres musiciens. Je pense que c’est indispensable dans tous les domaines de l’Art : pouvoir montrer ce que l’on a appris, avoir une sorte de deadline, faire l’expérience du trac, de la peur de la scène mais aussi de la joie que procure le fait de jouer en direct devant un public ou ses proches, c’est là que l’on vit vraiment la musique.