Des couleurs qui explosent, des textes qui piquent juste où il faut, et des mélodies qui restent dans la tête comme une confidence un peu insolente : l’univers de Vayli ne ressemble à aucun autre. Entre humour, autodérision et une sincérité qui affleure sous chaque sarcasme, la jeune artiste construit une pop vibrante, addictive et résolument moderne. Alors qu’elle s’apprête à dévoiler son premier EP — un projet où ses “bons méchants” et ses facettes moins flatteuses deviennent matière première — Vayli revient sur son parcours atypique, sa manière d’écrire, ses inspirations et cette énergie joyeusement imparfaite qui fait sa signature.
Identité artistique & univers
Avant de plonger dans ses chansons et dans la manière dont elles se fabriquent, il fallait d’abord comprendre d’où vient la couleur si particulière de son projet. L’univers de Vayli est un mélange étonnant de spontanéité, de sarcasme, de tendresse et de liberté — un espace où les émotions se déguisent en personnages, où les couleurs débordent un peu des lignes, et où l’humour sert autant de filtre que de moteur créatif. Retour sur les fondations de son identité artistique.

Si tu devais présenter ton univers musical en une seule image ou sensation, ce serait quoi ?
Bonne question ! Hmm… je n’en sais rien du tout ! Pour une sensation, je ne suis pas sûre, mais pour une image, je dirais quelque chose de très coloré, presque un peu agressif visuellement. Et si je dois vraiment choisir une sensation, ce serait un truc assez libérateur, je pense.
Tu mélanges pop et électro avec une écriture très honnête et parfois sarcastique. Comment ce mélange s’est-il imposé comme ton identité ?
J’écoute de la pop depuis que je suis toute petite, et encore aujourd’hui, parce que je trouve ça super accessible, à écouter comme à fabriquer. J’aime bien ce juste milieu entre la musicalité des mots et le sens des paroles, c’est vraiment important pour moi.
L’électro est arrivée plus tard, en bossant sur la production de mes chansons, qui à la base sont toutes des piano-voix. Je me suis rendue compte que j’adorais ajouter des petits twists, des sons un peu bizarres, souvent issus de l’électro. Et puis il y a clairement un héritage de la pop des années 80, que j’aime beaucoup.
Comment as-tu commencé la musique ?
Je chante depuis toujours. Mon père jouait de la guitare et je chantais souvent avec lui. Et puis j’ai aussi beaucoup chanté… dans ma douche — vraiment pas de façon professionnelle, hein — mais j’allais jusqu’à scotcher des paroles sur le mur pour apprendre des chansons !
En école de commerce, je suis entrée dans une asso de comédie musicale : c’est là que j’ai chanté en groupe et que j’ai découvert les accords au piano, parce que plein de gens s’accompagnaient. Donc, j’ai commencé le piano, j’ai fait plein de reprises, et ensuite j’ai écrit mes premières chansons.
Petite, j’avais pris un an de piano à 8 ans, puis un an à 16 ans, mais ça ne m’avait pas passionnée, sûrement parce que je voulais des cours d’accompagnement sans le savoir. Et plus tard, en 2022–2023, j’ai pris des cours de chant au Dalida Institute.
Quel a été le plus transformateur dans cette formation ?
Le plus transformateur, ça a vraiment été de rencontrer plein de gens qui voulaient faire de la musique sérieusement. Ils avaient tous des projets différents, mais pour aucun d’eux ce n’était un hobby : c’était un vrai projet professionnel. Je me suis dit : “Ah ok… il y a vraiment des gens qui veulent faire ça de leur vie.” Et toutes ces rencontres ont vraiment tout changé pour moi.
Y a-t-il eu un autre moment où tu t’es dit que tu voulais faire de la musique ton métier ?
Oui. Dans l’asso de comédie musicale, il y avait différents pôles de création parce qu’on montait une comédie originale chaque année. J’étais dans le pôle danse mais je traînais beaucoup avec deux personnes du pôle musique et, même si je trouvais ça presque mystique d’écrire des chansons, à force de les côtoyer, j’ai essayé moi-même… et depuis, je n’ai plus jamais arrêté.
Tu sembles attirée par les personnages imparfaits, les « bons méchants ». D’où vient cette fascination ?
Mes personnages préférés dans les dessins animés ont toujours été les méchants : ceux qui ont un peu plus d’épaisseur. Souvent, ce sont eux qui sont drôles, qui apportent quelque chose de différent. Je pense que j’ai associé ce côté ludique, décalé, un peu surprenant, à la figure du “méchant”.
Quelle place tient l’humour dans ton écriture ? Est-ce un filtre protecteur ou une manière d’aller plus loin ?
Les deux. Dans la vraie vie, je ris souvent quand je ne sais pas quoi faire, donc ça transparaît naturellement. Mais c’est aussi un prisme esthétique : j’aime envelopper certaines choses pour pouvoir aller plus loin. Parfois, je veux dire des choses très crues, mais ce n’est pas beau dans une chanson. Le sarcasme permet de dire des choses profondes sous une forme plus musicale et ludique. Pour moi, la musique doit être fun — et ça passe beaucoup par le rythme et l’humour.
Parcours & construction artistique
Le chemin qui mène à la musique est rarement linéaire, et celui de Vayli ne fait pas exception. Avant de trouver sa place sur scène et en studio, elle a traversé plusieurs univers, découvert d’autres façons de travailler et testé différentes manières de s’exprimer. Ce parcours, riche en détours et en apprentissages, a peu à peu façonné l’artiste qu’elle devient aujourd’hui.

Tu as fait hypokhâgne, khâgne, puis une grande école de commerce. Qu’est-ce que ce parcours t’a appris sur la création ?
Énormément. Mes années de prépa sont deux des meilleures années de ma vie. J’y ai appris la rigueur, la structure, la charge de travail — des compétences essentielles quand on est artiste indépendant·e sans équipe. En prépa, j’ai travaillé énormément, et la pluridisciplinarité m’a appris à gérer plusieurs choses en même temps sans tout mélanger.
Les cours de littérature et de philosophie m’ont aussi beaucoup marquée : j’ai été très exposée aux belles lettres, aux mots… ça a clairement infusé.
Comment as-tu vécu la transition entre une vie très scolaire et un milieu artistique plus mouvant ?
La prépa était très scolaire : beaucoup de travail, de devoirs, d’horaires. L’école de commerce l’était beaucoup moins, et ça ne m’a pas du tout convenu. Retrouver l’artistique, c’était retrouver une certaine exigence envers moi-même que j’avais un peu perdue.
Je suis très organisée de nature, et c’est finalement utile dans l’artistique. Je travaille aujourd’hui dans la communication du côté artistique, et je pense vraiment que la créativité n’exclut pas l’organisation. Dans l’industrie musicale actuelle, il faut savoir tout faire soi-même.
Création musicale
Ton premier single, GIRLS NIGHT, et plus récemment Je veux que tu perdes. Quelle est l’histoire derrière ces morceaux ?
Pour GIRLS NIGHT, je voulais une chanson qui bouge. Je l’ai écrite en piano-voix en 2022 et elle est sortie en 2025 — écrire quelque chose d’up-tempo au piano, c’est une galère ! Le thème de l’amitié et des soirées entre copines m’a semblé parfait pour ça.
Je veux que tu perdes est née d’une première version écrite avec Will, avec qui je travaille beaucoup. La chanson s’appelait Jalouse et parlait de ce sentiment très fort de compétition envers d’autres filles qui font de la musique. Je n’aimais pas du tout ressentir ça, alors j’ai voulu « purger » ce sentiment en écrivant dessus.
Au studio, on l’a refaite, et l’idée du feat s’est imposée d’elle-même : ça collait parfaitement au thème. Et ça s’est super bien passé ! La chanson me réconforte aujourd’hui encore. Et Victoria Flavian, qui chante avec moi sur le titre, est adorable, donc ça fait encore plus plaisir.
Y a-t-il d’autres duos prévus ?
Si une chanson s’y prête, oui ! J’ai adoré chanter avec une autre femme — c’était contradictoire avec le thème de la chanson, mais très important symboliquement. Je suis très féministe et j’adore travailler avec des femmes. Je compose et écris beaucoup avec trois hommes, donc ajouter un peu de féminin, notamment via les featurings, me fait du bien.
Quand tu écris, tu pars plutôt d’une émotion, d’un souvenir ou d’une phrase ?
Un peu des trois. Parfois je laisse couler, je trouve des accords et je vois ce qui vient. Parfois, je pars d’une phrase que j’ai notée. J’ai une liste d’idées dans mon iPhone : des émotions, des situations, des trucs que je vois passer dans la vie. Parfois, j’écris sur un thème sans rapport avec mon humeur du moment, juste pour l’exercice.
As-tu des rituels de création ? Des lieux, des habitudes ?
Pas vraiment. J’avais un carnet pendant longtemps, mais maintenant j’écris surtout sur mon iPhone. Il m’arrive de chercher des boucles sur Splice : ça me permet d’écrire plus facilement. J’écris mélodie et paroles en même temps la plupart du temps.
Comment sais-tu qu’une chanson est terminée ?
Honnêtement, je ne sais pas si je pourrais en juger seule. Les chansons de mon EP ont été produites à quatre, et quatre paires d’oreilles, ça change tout. Sinon, j’imagine que c’est quand je ne trouve rien à ajouter !
Thèmes, messages & rapport au public
Au-delà de la façon dont une chanson naît, il y a ce qu’elle porte : des intentions, des émotions, des nuances parfois conscientes, parfois instinctives. Les thèmes que choisit Vayli, la manière dont elle joue avec les mots, et ce qu’elle espère transmettre à celles et ceux qui l’écoutent racontent une autre facette essentielle de son projet. C’est là que se dessine le lien entre son univers intérieur et le public qui le reçoit.
Tes textes jouent souvent sur des contrastes. Est-ce conscient ?
Je veux surtout écrire des choses inattendues. Je n’ai pas envie que mes phrases soient prévisibles. Je ne cherche pas forcément le contraste pour le contraste, mais plutôt la surprise : partir quelque part et arriver ailleurs. Je veux éviter les poncifs et créer de l’inattendu.
Comment aimerais-tu que les auditeur·ices se sentent en t’écoutant ?
Deux sensations que j’adore quand j’écoute une chanson :
– « Oh waouh, elle a osé le dire ! »
– « Oh waouh, c’est exactement ce que je ressens, mais je ne savais pas que je le ressentais. »
Écris-tu pour réparer des choses personnelles, ou pour raconter au-delà de toi ?
Plutôt la deuxième option, oui. En général, je pars d’un truc vrai, d’une petite graine qui vient de ma vie, mais j’étire le trait. Je grossis, je transforme, j’exagère… parce que pour moi, ce qui compte vraiment, c’est l’histoire que ça raconte, pas que ça colle parfaitement à mon vécu. L’émotion doit être juste, mais le récit peut aller beaucoup plus loin que la réalité.
Tu travailles sur ton premier EP : à quoi peut-on s’attendre ?
Sortie prévue mi-février, avec un single le vendredi 5 décembre 2025, qui s’intitule Karma !
Le fil conducteur de l’EP, ce sont les défauts — surtout les miens. Un joyeux bouquet de mes pas-meilleures-facettes. On retrouve le thème des « bons méchants », une mise à nu presque excessive. Chaque morceau est un « méchant », une facette de moi.
As-tu déjà fait de la scène ?
Oui, quelques dates, dont un plateau en mai avec 45 minutes par artiste dans une grande salle. Très stressant ! C’était la première fois que je chantais tout mon EP et que je cherchais à créer une cohérence entre les morceaux. Un vrai baptême du feu, mais une sensation incroyable. Les retours ont été super positifs, ce qui m’a beaucoup rassurée.
Comment as-tu géré le stress ?
Je suis quelqu’un de très stressé au quotidien, donc paradoxalement ça n’augmente pas tellement pour la scène. J’ai appris à vivre avec.
Quels retours t’ont le plus marquée ?
Les deux personnes avec qui je travaille en studio étaient dans le public : elles ne m’avaient jamais vue en live et ont adoré. Ça m’a énormément touchée, car je les estime beaucoup.
J’ai aussi vu des gens passer du bar à une écoute très attentive au fur et à mesure. C’est hyper satisfaisant. Et puis ma mère est ma fan numéro un : elle vient à tous mes concerts. Mon frère aussi, même s’il est plus réservé. Mes amis me soutiennent énormément. J’ai beaucoup de chance.
Présent & projets
Que préfères-tu alors, sous la douche ou devant un public ?
Devant un public, c’est plus gratifiant — mais le one-woman-show sous la douche reste très satisfaisant.
Y a-t-il des artistes avec qui tu rêverais de collaborer ?
Oui, plein ! En premier, Angèle : pour moi, c’est la maman de la pop francophone actuelle. Elle a vraiment ouvert quelque chose.
J’adore aussi Yoa, que j’ai vue à l’Olympia cette année : elle m’a eue de A à Z. Et Orlane, une artiste belge que je trouve hilarante et brillante dans sa com et son écriture.
Un conseil pour celles qui voudraient se lancer dans la musique ?
Il faut se lancer sans attendre. Si j’avais écouté les signes, j’aurais compris bien plus tôt que je ferais de la musique. Mais, il faut être patient, comprendre que c’est un marathon, pas un sprint.
Et ne pas se laisser avoir par ce qui brille. Pour les femmes, c’est plus difficile — on est plus souvent comparées, moins confiantes. Il faut s’accrocher. Et des retours inutiles, il y en aura beaucoup, surtout sur les réseaux. Alors, il faut savoir faire le tri pour ne pas se laisser embrouiller.
Si tu pouvais imaginer un projet totalement libre… ?
Je dis toujours que si je deviens vraiment connue un jour, je ferais un album de country ! J’adore la manière dont la country raconte des histoires. Un album de fusion country-électro, ce serait génial.
Au fil de l’entretien, une évidence se dessine : la musique de Vayli ressemble à sa façon d’être. Vive, colorée, pleine d’autodérision et de petites vérités qu’on n’ose pas toujours se dire. Pour découvrir son univers haut en couleurs, rendez-vous vendredi 5 décembre pour son nouveau single Karma, un morceau aussi sarcastique que réjouissant, où l’on retrouvera tout ce qui fait la signature de Vayli. Une belle porte d’entrée dans un univers qui ne demande qu’à être exploré !




