Longtemps racontée au masculin, l’histoire de la musique gagne à s’écouter au féminin. Dans cet article, découvrez 15 artistes et compositrices qui ont vraiment fait bouger les lignes, du chant médiéval à la pop, du jazz au hip-hop. Pour chacune : un morceau à écouter et à apprendre (ou à récréer), un repère rapide pour comprendre pourquoi elle compte, et des pistes de travail simples et progressives selon votre instrument (voix, piano/clavier, guitare, cordes, batterie, MAO) et votre niveau. L’idée : prendre du plaisir, nourrir sa curiosité et progresser sans pression, avec des exercices courts, musicaux et motivants. À vous de piocher, d’essayer, d’ajuster… puis de savourer le déclic.
1) Hildegard von Bingen (XIIᵉ) : La visionnaire
Moniale et compositrice, Hildegard écrit des chants pour les voix de son abbaye : des mélodies très libres qui suivent d’abord le texte et la respiration, plutôt qu’un rythme carré. La ligne monte haut puis redescend, avec des élans lumineux et quelques ornements discrets pour souligner les mots. Pour l’interpréter aujourd’hui, choisissez une tonalité confortable, installez un souffle long, des voyelles claires et un vibrato tardif ou absent. Laissez la phrase se déployer sans presser, comme une prière qui prend son temps, en vous appuyant si besoin sur un léger bourdon au clavier (une note tenue très douce). L’essentiel est l’écoute : laissez résonner, soignez les fins de mots et laissez le sens guider le phrasé.
2) Barbara Strozzi (1619–1677) : La plume baroque
Chanteuse et compositrice vénitienne, Barbara Strozzi écrit un baroque intime où la voix raconte d’abord une histoire. Le texte guide tout : petites pauses, soupirs, élans qui suivent les mots plutôt qu’un métronome rigide. L’accompagnement reste simple et régulier (basse continue qui avance tranquillement), tandis que la mélodie se pare de quelques ornements légers — un mordant, une appoggiature — juste ce qu’il faut pour colorer l’émotion sans la masquer. Pour l’interpréter, pensez souffle souple et diction claire ; laissez la phrase respirer naturellement et placez les rares ornements sur les notes longues ou les fins de cadence. On recherche une proximité avec l’auditeur : une voix qui confie, un accompagnement qui soutient, et un tempo qui se plie au sens des paroles.
3) Lili Boulanger (1893–1918) : Fulgurance française
Compositrice française du début du XXᵉ siècle, Lili Boulanger signe des pièces courtes mais intenses, pleines de couleurs et de changements d’humeur. Dans D’un matin de printemps, la musique est vive, les harmonies bougent vite, les motifs se répondent comme des éclats de lumière. À l’interprétation : gardez un phrasé souple, des nuances fines, et une respiration claire. Au piano, pensez pédale légère et écoute des résonances ; aux cordes, des arcs élastiques et des transitions de timbre bien dessinées.
4) Clara Schumann (1819–1896) : Virtuose et compositrice
Pianiste phare du romantisme et compositrice, Clara fait chanter le piano comme une voix : mélodie souple à la main droite, accompagnement léger à la main gauche. Son style privilégie la ligne claire, des accents expressifs et des respirations naturelles plutôt qu’une virtuosité gratuite.
À l’interprétation : faites ressortir la mélodie (5ᵉ doigt), gardez la main gauche en arrière-plan, adoptez un rubato discret pour porter les phrases, utilisez une pédale propre (changez à chaque harmonie) et soignez la voix intérieure.
5) Ethel Smyth (1858–1944) : La battante
Compositrice britannique et figure du mouvement suffragiste, Smyth signe une musique claire, rythmée et collective. The March of the Women avance comme un chant de marche : pulsation régulière, mélodie fière, refrain pensé pour être repris ensemble. À l’interprétation, gardez un tempo ferme sans presser, des consonnes nettes et des respirations communes ; côté accompagnement (guitare ou clavier), des accords simples en binaire suffisent à porter l’élan.
6) Sister Rosetta Tharpe (1915–1973) : La marraine du rock
Chanteuse-guitariste pionnière, Sister Rosetta fait passer l’énergie du gospel dans la guitare électrique et pose les bases du rock. Sur This Train, tout part d’un shuffle chaleureux : accents sur 2 & 4 et riff clair qui répond à la voix. Pour jouer ce style, gardez un tempo stable, main droite souple (aller-retour), quelques double-stops et des attaques nettes plutôt que la vitesse ; au clavier, des accords simples qui soutiennent la pulsation, à la batterie un backbeat léger. L’esprit à chercher : call & response, sourire dans le son, et un groove qui avance sans forcer.
7) Billie Holiday (1915–1959) : L’école du phrasé
Voix intime, tempo souple : Billie transforme chaque ligne en histoire. Elle place les mots légèrement après le temps, étire certaines syllabes, chuchote d’autres, et laisse des silences qui disent autant que les notes. Sur God Bless the Child, visez un son doux, un vibrato tardif, des consonnes feutrées et des phrases courtes qui respirent naturellement. Accompagnement au piano/guitare : voicings simples, peu de notes, accents sur 2 & 4 — on laisse de la place à la voix pour que le texte mène la danse.
8) Ella Fitzgerald (1917–1996) : L’architecture du swing
Timbre clair, justesse impeccable et sens du temps infaillible : Ella fait danser chaque mot. Son swing, c’est un rebond régulier sur 2 & 4, une diction nette et des lignes qui restent lisibles même quand elle improvise. Son scat n’est pas du hasard : elle bâtit de petits motifs (2–4 notes), souvent sur les notes de l’accord, qu’elle varie et fait répondre les uns aux autres, avec des silences qui respirent.
Pour How High the Moon, commencez par chanter la mélodie simple à tempo médium (tapez 2 & 4 du pied). Puis improvisez un court passage en scat avec 2–3 syllabes (“da”, “doo”, “ba”), en restant près des notes de base (1–3–5) et en terminant vos phrases proprement. Gardez un son lumineux, un vibrato léger, et laissez la musique sourire. Côté accompagnement, piano/guitare en comping léger, contrebasse en walking régulier, batterie ride ou balais pour porter le balancement sans couvrir.
9) Aretha Franklin (1942–2018) : La souveraine de la soul
Nourrie par le gospel, Aretha associe groove, autorité vocale et art du call & response. Dans Respect, tout repose sur le backbeat (accents sur 2 & 4), des phrases courtes qui claquent et quelques blue notes dosées pour la couleur. Chantez avec un soutien solide, des attaques nettes et des réponses de chœurs précises ; laissez des espaces entre les lignes pour que le groove respire.
Côté accompagnement : au piano/orga, des stabs simples (accords 6/7ᵉ) sur 2 & 4 ; à la basse, une ligne claire qui anticipe le temps fort ; à la batterie, caisse claire serrée et charley propre ; cuivres, riffs courts et fins de notes ensemble. L’objectif : un pulsé ferme, une énergie positive et ce sourire dans le son.
10) Nina Simone (1933–2003) — conscience et clavier
Pianiste-chanteuse au croisement du classique, du gospel et du jazz, Nina sculpte des arrangements simples en apparence mais puissants : une basse obstinée main gauche, des voicings ouverts main droite, et une montée d’intensité qui porte le texte. Sur Feeling Good, gardez un tempo posé, installez le motif de basse sans le presser, puis faites grandir le morceau par paliers (dynamique, densité d’accords, registre). Au piano : pensez voicings 6/9, sus4, pédale propre et crescendos nets. À la voix : placement plutôt grave, attaque droite puis vibrato tardif, diction claire et quelques blue notes bien pesées. Laissez des silences respirer : c’est eux qui donnent l’autorité… et la magie.
11) Joni Mitchell (née en 1943) : La poète des open tunings
Autrice-compositrice à la plume très visuelle, Joni laisse la guitare respirer grâce aux accordages ouverts : des cordes qui sonnent plus larges, des couleurs qui changent avec peu de doigts, et une rythmique souple qui suit le texte. Sur Both Sides, Now, visez un arpège régulier et une dynamique douce ; laissez les accords sonner, ne pressez pas le tempo, racontez l’histoire comme un poème.
Si l’accordage ouvert vous intimide, restez en standard : capo à la hauteur qui convient à votre voix, formes simples (G, C, Am, Em) et notes “couleur” (2, 4, 6) pour élargir l’harmonie. À la voix : diction claire, vibrato léger, respirations aux virgules du texte. L’objectif : une narration simple et sincère, où chaque image a le temps de se déposer.
12) Carole King (née en 1942) : L’art de la chanson au piano
Autrice-compositrice et pianiste, Carole King fait sonner des mélodies naturelles posées sur un piano chaleureux : l’harmonie avance sans effet gratuit, le texte reste au centre, et le groove est souple (un léger rebond sur 2 & 4, façon pop/soul). C’est une écriture qui raconte : on suit la phrase, on laisse respirer, on monte l’intensité au refrain sans forcer.
Sur You’ve Got a Friend, gardez un tempo médium. Main gauche : basse simple (fondamentale–quinte, pas conjoints) avec quelques notes de passage. Main droite : voicings serrés (tierces/sixtes), petites suspensions (sus2/sus4) pour colorer, et de légères anticipations pour le flow. Pédale propre (changez à chaque accord). À la voix : diction claire, soutien régulier, dynamique qui grandit vers le refrain ; respirez aux virgules du texte. L’idée : une ballade confiante et simple, où l’on sent le sourire du piano sous la mélodie.
13) Kate Bush (née en 1958) — l’audace pop
Autrice, chanteuse et productrice, Kate Bush marie récit, théâtralité et textures électroniques pour une pop qui ose les contrastes. Dans Running Up That Hill, tout part d’un motif de synthé régulier qui installe la pulsation pendant que la voix monte par vagues, entre douceur et tension. Pour l’interpréter, gardez le pouls stable et laissez la dynamique grandir par paliers plutôt que d’accélérer ; au clavier, faites vivre l’ostinato sans le durcir, avec une main gauche simple qui ancre l’harmonie. À la voix, misez sur un mélange poitrine/voix de tête sans forcer les aigus, un vibrato tardif et une diction anglaise claire : les consonnes dessinent le relief, les voyelles filent la ligne. L’esprit à chercher, c’est un élan hypnotique : peu de moyens, beaucoup d’intention, et ce frisson qui naît quand la musique respire.
14) Björk (née en 1965) — expérimentation sensible
Björk mêle instruments acoustiques et textures électroniques comme on mêle couleurs : par couches qui respirent, se frottent, puis se résolvent. Dans Jóga, la pulsation est large, presque tectonique ; la mélodie s’y accroche par de grands arcs simples, plus expressifs que virtuoses. Pour l’interpréter, installez d’abord un souffle ample et un tempo posé ; laissez les silences compter autant que les notes. À la voix, attaquez droit, gardez un vibrato tardif et des consonnes nettes pour dessiner le relief du texte ; au clavier ou aux cordes, cherchez des nappes qui portent plutôt que des gestes décoratifs, en faisant monter l’intensité par crescendos doux et changements de timbre. L’objectif n’est pas d’en faire beaucoup, mais de faire juste : peu de matière, beaucoup d’écoute, et cette sensation de paysage sonore qui s’ouvre devant vous.
15) Missy Elliott (née en 1971) — réinvention du hip-hop
Rappeuse, autrice et productrice, Missy Elliott transforme le hip-hop avec des beats minimalistes, des syncopes audacieuses et un sens du silence qui fait rebondir chaque phrase. Dans Get Ur Freak On, un riff nerveux répond à une batterie volontairement décalée, et la voix joue en call & response avec ses propres ad-libs : tout est question de placement. Pour l’interpréter, installez d’abord le pouls (tapez 2 & 4 du pied), puis laissez votre flow mordre les consonnes et glisser légèrement derrière le temps sur certaines fins de mots. Côté production/MAO, partez d’un motif simple (riff + kick/snare), résistez à l’envie d’en mettre trop, et créez la tension en éclaircissant l’arrangement : quelques appuis nets, des espaces assumés, un grain de voix proche du micro. L’objectif n’est pas la vitesse, mais le groove malicieux qui donne envie de hocher la tête — cette signature Missy où chaque détail, même minuscule, fait bouger la mesure.
Bonus “pionnières du son”
Delia Derbyshire : a façonné le Doctor Who Theme sur bandes et oscillateurs → exercice MAO : reproduire le motif avec un simple synthé + delay.
Wendy Carlos : a popularisé Bach au synthé → atelier : jouer une invention à 2 voix sur synthé monophonique (doigts/legato impeccables).
Hildur Guðnadóttir : Oscar pour Joker → cordes : tenter un drone expressif et un thème minimaliste au violoncelle.
Comment travailler ces morceaux (selon votre instrument) ?
Voix : choisissez 1 tonalité confortable, visez la justesse + texte avant l’ornement.
Piano/clavier : commencez par une main gauche simple (basses ou fondamentales), ajoutez les couleurs ensuite.
Guitare : privilégiez rythme et son avant la vitesse ; un riff propre > dix approximatifs.
Cordes : soignez l’attaque d’archet et les nuances avant la vitesse.
Batterie : cherchez le feel (placement humain) avec un métronome “sur 2&4”.
MAO : reconstruisez d’abord le motif fondation, puis texturisez.
Et si on jouait ça ensemble ?
Si ces 15 portraits vous ont donné envie de tester un chant médiéval, un groove soul ou un riff pop, c’est le bon moment pour passer de l’inspiration à l’action. Chez Allegro Musique, on vous accompagne en douceur et avec méthode : un professeur à domicile, des séances adaptées à votre niveau, et un plan de travail simple qui fait vraiment progresser.
Dites-nous votre instrument, votre niveau et ce que vous avez envie d’essayer (Hildegard, Aretha, Joni, Missy…). On construit pour vous un parcours sur mesure : tonalités confortables, exercices courts, versions simplifiées ou arrangements plus avancés, selon votre temps et vos objectifs. Vous repartez avec des repères clairs (respiration, phrasé, rythme, sonorités) et des petites victoires à célébrer à chaque séance.
Envie d’un coup de pouce pour démarrer ? Contactez-nous : on vous propose un rendez-vous pédagogique pour définir vos envies, et on vous met en relation avec l’enseignant idéal. La musique se découvre mieux à deux : on s’y met ? 🎶